« Oh, parle-moi, parle-moi : regarde-moi » (Isabelle Boulay)
Notre société est, paraît-il, celle de la communication. D’où vient alors que, matraqués de messages, noyés sous les informations en temps réel, gavés d’images et de sons, reliés par Internet et par téléphone portable, nous constations ce phénomène paradoxal : il est souvent très difficile de communiquer !
Malentendus, incompréhensions, agressivité, temps perdu et stress : personne, à part peut-être les ermites, ne peut dire qu’il n’en a pas été l’acteur ou le témoin. C’est pourquoi les techniques traditionnelles de l’écrit et de l’oral, du marketing publicitaire et du marketing relationnel ne suffisent plus à établir une communication véritable avec nos interlocuteurs. Les processus réels de communication se déroulent la plupart du temps de manière inconsciente.
L’importance du langage non verbal, mise en évidence par Albert Mehrabian*, chercheur à l’université de Californie (UCLA) a démontré, voici quatre décennies déjà, que 93% de notre communication est non verbale.
En fait, nous pouvons déterminer trois canaux d’informations différents, appelés les trois V de la communication :
1 - Le Verbal : le contenu strictement verbal (les mots et leur signification) représente à tout casser 7%.
2 - La Voix : plus précisément encore, 38% de notre communication provient de notre expression vocale (le timbre et l’intonation de notre voix, le ton que nous utilisons)
3 - Le Visuel : 55% de la perception visuelle, de notre gestuelle, de nos postures et de nos mimiques.
Ces trois V doivent véhiculer le même message pour que la communication soit efficace. Notre manière d’être dans notre corps, de parler, de nous habiller, va avoir, en règle générale un impact important. Nous avons donc intérêt à nous entraîner à identifier et à observer les différents niveaux de langage, afin de mieux en user et d’améliorer notre capacité à communiquer.
Dès lors, vouloir établir un lien fort avec les autres par nos seules paroles et nos excellents arguments revient à vouloir allumer la lumière sans électricité. Le para dit, ou tout ce qui est dit sans le dire, est devenu un territoire de communication essentiel pour celles et pour ceux, responsables de ressources humaines, managers, cadres, personnalités publiques, qui veulent négocier, comprendre, convaincre et séduire. Nous vous proposons de le visiter en notre compagnie et de l’expérimenter à votre tour pour votre plus grande satisfaction. Aujourd’hui, première clef : les bases du langage corporel…
La pensée n’est pas limitée au cerveau : elle se traduit dans nos attitudes
Micro grattage ? Pas de hasard! |
Chaque fois que nous pensons, que nous sentons et ressentons, tout notre corps est à l’unisson, que nous le voulions ou non. Si des signes directement apparents comme nos gestes et mouvements sont les plus visibles, montrant de surcroît quelles sont nos influences culturelles et éducatives ainsi que le mode social que nous avons choisi pour nous représenter (souvent accentué par notre apparence vestimentaire), d’autres marqueurs moins apparents comme, par exemple, le mouvement de nos yeux, de notre nez, les changements de couleur et d’apparence de notre peau, nos micro mouvements –grattage du lobe de l’oreille, de l’aile du nez, frottage de la main, de la cuisse, micro caresse, trituration de cheveux ou d’un objet, démangeaisons, etc. - sans compter nos phéromones… disent ce que le verbal n’exprime pas.
Si l’on peut réfléchir à ce qu’on va dire - du moins, la plupart du temps, car les lapsus freudiens nous trahissent parfois – il est impossible de maîtriser totalement notre corps.
C’est ainsi qu’une intéressante étude de 1981, rapportée par Marc Alain Descamps ** s’est intéressée aux gestes de 45 couples dans un café. (Etude très convenable, nous vous rassurons tout de suite J,) pendant un laps de temps de 4 minutes. Résultat : 1.369 gestes, dont 73% n’avaient aucun rapport avec les sujets de conversation. Leurs inconscients parlaient pendant toute leur conversation verbale…
Apprendre à lire le « body language », ressemble à un cours de conduite automobile : il faut progressivement mémoriser les signaux et le code, maîtriser et coordonner les instruments, avoir des yeux partout. Et attention à ne pas vous lancer bille en tête. Car en langage corporel, comme dans toutes les disciplines des sciences humaines, il y a lieu de vous méfier des interprétations absolues, des certitudes, des gourous et du prêt à penser. En effet, il n’y a pas ici de Vérité avec un grand V, de révélations en béton armé ou d’infaillibilité garantie. Un geste ne peut suffire à expliquer à lui tout seul l’état d’esprit d’une personne. Quatre exemples prosaïques pour l’illustrer. Un : si Monsieur Untel se frotte souvent le nez comme Bill Clinton face à certaine commission d’enquête, il n’est pas forcément le disciple de Pinocchio. Il a peut-être tout simplement une allergie. Deux : Mademoiselle Unetelle regarde tout le temps ses baskets. Cependant, elle n’est pas forcément timide : un lacet de ses chaussures est dénoué. Trois : vous constatez que Madame Machine penche la tête à gauche sans discontinuer. Il est très probable qu’elle soit en mode émotionnel. Oui mais peut-être souffre-t-elle d’un torticolis. Et enfin, quatre : si Monsieur Machin pince les lèvres, sans doute est-il contrarié ou soucieux. A moins qu’il n’ait tout bêtement mal au ventre… Ces quatre exemples montrent qu’ici encore, comme dans toutes les disciplines de pensée et de communication, il ne faut pas se contenter de « tout cuit », et qu’il faut toujours rester attentif et faire preuve de bon sens.
Aussi, pour saisir avec pertinence ce que dit le corps de l’autre, nous vous suggérons de toujours croiser au moins deux à trois des données essentielles suivantes :
- 1. Le geste : quels mouvements précis du corps fait votre interlocuteur à l'instant ?
- 2. La mimique : que disent les traits de son visage, ses yeux et sa bouche ?
- 3. Le positionnement du corps dans l’espace : comment sa tête, ses bras, ses jambes, son tronc sont-ils placés ?
- 4. Les circonstances : l’endroit, l’instant, le contexte et le lieu précis où s’effectuent ces transformations de physionomie.
Nos trois grandes mimiques de primates
Les études menées par les éthologistes proposent trois catégories de mimiques communes à tous les primates, dont les principaux, rappelons-le, sont les singes et les humains.
Continuez, je vous trouve passionnant.
Première catégorie : le H de « Happiness ». Ce type de mimiques exprime tout ce qui ressortit au domaine de la joie, du bonheur, de l’aisance, du confort et de la sociabilité communicative. Nous cherchons à dire notre amitié, notre amour, la recherche du contact, notre envie d’apaiser, de jouer, de séduire, de faire rire. Sourire, œil plissé, grimace amusante, regard velouté, inclinaison aimable de la tête soutiennent ce type de mimique.
Deuxième catégorie : le A de « Angry ». Là, nous entrons dans l’univers de la colère, de l’agressivité expressive (menace ou tendance à l’attaque), de l’agressivité active ou de la violence (passage à l’acte). Le regard fixe, les sourcils arqués, le front fortement plissé, les dents apparentes font partie de l’arsenal.
Troisième catégorie : le F de « Fear ». Anxiété et peur forment l’essentiel de cette classification. L’œil écarquillé, le tremblement et l’ouverture de la bouche, les mouvements sporadiques de la tête, les cheveux hérissés, la sudation, les sourcils surélevés expriment notamment cet état
Ces trois grandes mimiques s’accompagnent de sons, interjections, modulations de voix, discours et gestes aisément compréhensibles. De ce fait, elles communiquent très rapidement sans qu’il soit besoin d’un décodage particulier, puisqu’elles s’ancrent dans notre mémoire primitive. Bien entendu, si la communication des humains se limitait à ces aspects, cette série d’articles n’aurait pas de raison d’être. Car nous disposons de tout un arsenal de moyens, vocaux, dialectiques, rhétoriques, sociaux et gestuels pour habiller ou masquer nos pulsions. La suite au prochain numéro…
Coach et formateur expérimenté dans la prise de parole en public.
André Jacques
Psychologue, formateur et spécialiste de la gestuelle professionnelle.
Formations individuelle ou en groupe : http://www.lesoleil.be/formation
* Etudes dont cette d'Albert Mehrabian, l'Université de Californie. Ses résultats sur les messages contradictoires des sentiments et des attitudes ont été cités dans le monde entier et sont également connus sous le nom de la règle 7%-38%-55%. 7% de la communication est verbale (par la signification des mots); 38% de la communication est par l'intonation et le son de la voix; 55% de la communication est par le langage corporel.
** Le langage du corps et la communication corporelle, 1993, Marc Alain Descamps
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